
Le Festival de Cannes est l’occasion pour Grenier Avocats de porter un regard juridique et assurantiel sur un sujet souvent relégué à l’arrière-plan : les violences sexistes et sexuelles (VHSS) sur les lieux de tournage. Si l’industrie du cinéma brille sur les tapis rouges, elle n’est pas exempte d’ombres. Or, l’assurance peut – et doit ! – jouer un rôle moteur pour faire évoluer les pratiques.
Depuis 2021, une clause spécifique proposée par certains assureurs permet aux productions de couvrir jusqu’à 500 000 euros de pertes liées à un arrêt temporaire de tournage, en cas de faits avérés de harcèlement ou d’agression sexuelle. Cette clause, intégrée sans surcoût dans les contrats d’assurance, représente une avancée significative : elle permet de concilier protection des victimes, responsabilité des producteurs, et continuité économique de la production.
Mais dans la pratique, cette couverture n’a jamais été mobilisée. Pourquoi ? Parce que son activation repose sur des conditions strictes : le dépôt de plainte par la victime, le signalement au procureur par le producteur, et l’implication directe d’un membre clé du tournage (acteur principal, réalisateur…). Autant de barrières qui freinent le recours à ce dispositif, dans un secteur où la précarité de l’emploi et les rapports de pouvoir dissuadent encore trop souvent les victimes de parler.
Aujourd’hui, seuls 50 % des contrats d’assurance pour la fabrication d’un film intègrent cette clause. Certains producteurs préfèrent même souscrire leurs polices à l’étranger, notamment en Belgique, attirés par des dispositifs fiscaux plus avantageux. Cette hétérogénéité nuit à la construction d’un cadre protecteur universel.
Face à ces limites, plusieurs recommandations sont en débat actuellement à l’Assemblée Nationale : permettre qu’une main courante déposée par un témoin déclenche la clause, inscrire les VHSS parmi les risques obligatoires pour bénéficier des aides du CNC, ou encore généraliser ce type de couverture à toutes les productions culturelles (spectacle vivant, audiovisuel, etc.).
Chez Grenier Avocats, nous sommes convaincus que l’assurance, loin d’être un simple outil de gestion des risques, peut être un levier éthique et structurel pour transformer les pratiques. Cannes, ce mois-ci, nous rappelle que derrière chaque film, il y a des équipes, des humains – et que garantir leur sécurité est aussi une affaire de droit et de responsabilité.
Pour aller plus loin : Tome I – Rapport – 17e législature – Assemblée nationale