Abandon de la garantie décennale au profit de la responsabilité contractuelle de droit commun pour les éléments d’équipement installés sur ouvrage existant

Le 21 mars 2024, la Cour de cassation a rendu une décision marquante en matière de droit de la construction, modifiant le régime de la responsabilité des constructeurs pour les éléments d’équipement installés sur des ouvrages existants. Dans cet arrêt (Civ. 3ème, 21 mars 2024, n° 22-18.694), la Cour a abandonné l’application de la garantie décennale et biennale au profit de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Fin de la Garantie Décennale et Biennale pour les Équipements sur Ouvrages Existants

Cette décision marque un retour en arrière par rapport à la jurisprudence établie depuis 2017 (Civ., 3ème, 15 juin 2017, n°16-19.640). Jusqu’à présent, les désordres affectant des éléments d’équipement, qu’ils soient dissociables ou non, installés sur des ouvrages existants, relevaient de la responsabilité décennale dès lors qu’ils rendaient l’ouvrage impropre à sa destination.

Cette approche englobait largement les travaux, même s’ils n’étaient pas constitutifs d’un ouvrage, sous le terme de « quasi-ouvrages ».

Redéfinition des Travaux Concernés par la Responsabilité Contractuelle

Désormais, « si les éléments d’équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage », ils ne relèvent plus « de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun ».

La Cour de cassation a ainsi recentré la responsabilité des constructeurs sur le cadre de la responsabilité contractuelle de droit commun. Cette dernière n’est pas soumise à l’obligation d’assurance obligatoire des constructeurs, simplifiant ainsi les obligations des artisans et petites entreprises.

Conséquences et Motivations de la Décision de la Cour de Cassation

Ce changement a des implications majeures pour les professionnels du bâtiment. Les travaux comme l’installation d’un insert de cheminée, d’un ballon d’eau chaude ou d’une pompe à chaleur sur un ouvrage existant ne sont plus couverts par la garantie décennale. Seuls les éléments d’équipement installés au moment de la réalisation de l’ouvrage ou constituant un ouvrage en eux-mêmes relèvent de cette garantie.

Les raisons invoquées par la Cour pour ce revirement sont doubles. D’une part, la jurisprudence de 2017 avait été adoptée pour simplifier les règles et protéger davantage le maître d’ouvrage, en assurant un recours contre un débiteur couvert par une assurance obligatoire. Cependant, cette approche s’est révélée complexe et source d’insécurité juridique, notamment pour les petits artisans, souvent sans les assurances adéquates pour couvrir les risques accrus.

Répercussions Pratiques pour les Professionnels du Bâtiment et les Maîtres d’Ouvrage

Ce retour à une application stricte de l’article 1792 du code civil rétablit la distinction claire entre les ouvrages et les éléments d’équipement. Pour les maîtres d’ouvrage, ce changement signifie qu’ils doivent prouver la faute de l’entreprise pour engager sa responsabilité contractuelle, sans pouvoir compter sur la présomption de responsabilité décennale. De plus, les entreprises de construction doivent veiller à inclure des extensions de garantie dans leurs contrats d’assurance responsabilité civile professionnelle pour les travaux sur existant.

Désormais, la responsabilité décennale est applicable :

  • Soit, lorsque l’élément d’équipement dissociable est installé au moment de la réalisation de l’ouvrage ;
  • Soit, comme le précise la Cour de cassation, lorsque l’élément d’équipement installé sur existant constitue en lui-même un ouvrage.

Conclusion et Perspectives pour le Secteur de la Construction

En conclusion, cet arrêt de la Cour de cassation du 21 mars 2024 rétablit une approche plus traditionnelle et limitée de la responsabilité des constructeurs, réduisant ainsi l’étendue de la garantie décennale et biennale aux seuls véritables ouvrages. Cette décision, bien que saluée pour sa clarté et sa prévisibilité, soulève des questions pratiques importantes pour les professionnels et les maîtres d’ouvrage, nécessitant une adaptation rapide aux nouvelles règles du jeu. Elle va également tendre à modifier l’exposition des assureurs et à limiter les effets du in solidum aux conséquences parfois désastreuses pour des fournisseurs et leurs assureurs.

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