Introduction à la garantie dommages-ouvrage en cas de non-conformité contractuelle
La récente décision de la Cour de cassation, rendue le 6 juin 2024, apporte un éclairage crucial sur l’application de la garantie dommages-ouvrage en matière de construction immobilière (Civ., 3ème, 6 juin 2024, n°23-11.336). Cette jurisprudence clarifie les conditions sous lesquelles cette garantie peut être mobilisée, notamment en cas de non-conformité contractuelle sans dommages de nature décennale.
Les faits de l’affaire
Dans cette affaire, les maîtres de l’ouvrage ont conclu un contrat avec un constructeur pour la construction d’une maison individuelle. Un contrat d’assurance dommages-ouvrage a été souscrit, et la garantie de livraison a été fournie par la Caisse de garantie immobilière du bâtiment (CGI bâtiment). Des désordres ont été constatés, entraînant une mise en cause de l’assureur dommages-ouvrage pour garantir les travaux nécessaires.
À la suite d’une expertise et de la liquidation judiciaire du constructeur, les maîtres de l’ouvrage ont convenu avec le garant de livraison d’une transaction, impliquant le paiement de 390 000 euros pour la démolition-reconstruction de l’ouvrage.
Le régime antérieur et la nouveauté introduite par l’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation a confirmé la décision des juges du fond, selon laquelle l’assureur dommages-ouvrage n’était pas tenu de couvrir les travaux de mise en conformité contractuelle. Cette position s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence établie par la Cour, notamment dans l’arrêt du 20 novembre 1991, où il est précisé que les défauts de conformité ne relevant pas de la garantie décennale ne peuvent pas mobiliser la garantie dommages-ouvrage (Cass. 3e civ., 20 nov. 1991, n° 89-14.867).
L’arrêt du 6 juin 2024 confirme ainsi que la simple nécessité de démolir et reconstruire un ouvrage pour le rendre conforme aux prévisions contractuelles ne suffit pas à caractériser un dommage de nature décennale. Cette position restrictive vise à limiter l’extension des garanties des assureurs dommages-ouvrage aux seuls cas où la solidité de l’ouvrage est compromise ou où il est rendu impropre à sa destination.
Les conséquences pratiques de la décision
Cette décision de la Cour de cassation aura des implications significatives pour les acteurs du secteur de la construction. En refusant d’élargir la portée de la garantie dommages-ouvrage aux seuls défauts de conformité contractuelle, la Cour renforce la distinction entre les différents types de dommages susceptibles de mobiliser cette garantie.
Pour les maîtres de l’ouvrage, cela signifie qu’ils devront être particulièrement vigilants lors de la réception des travaux et de la constatation des éventuels désordres. Il leur faudra notamment s’assurer que les défauts constatés relèvent bien de la garantie décennale pour pouvoir bénéficier de la couverture de l’assurance dommages-ouvrage. En cas de non-conformité contractuelle sans impact sur la solidité ou la destination de l’ouvrage, la responsabilité financière pourrait reposer entièrement sur le maître de l’ouvrage.
Pour les assureurs dommages-ouvrage et les garanties de livraison, cette décision confirme la nécessité de clarifier les clauses contractuelles et les limites de leur responsabilité. Elle pourrait également inciter à une révision des polices d’assurance pour mieux encadrer les conditions d’intervention et les exclusions de garantie.
Conclusion
En conclusion, la décision de la Cour de cassation du 6 juin 2024 rappelle l’importance de la précision dans la définition des dommages couverts par l’assurance dommages-ouvrage. Elle confirme que la garantie ne s’applique pas automatiquement à tous les défauts constatés, mais uniquement à ceux de nature décennale affectant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. Cette clarification jurisprudentielle invite ainsi à une gestion prudente des risques et à une révision attentive des contrats d’assurance dans le domaine de la construction immobilière.